Le Pape et le genre

21 Octobre 2016

Article de Christine Pedotti dans le numéro du 13 octobre 2016 de TEMOIGNAGE CHRETIEN

Le pape François est à bien des égards un homme exceptionnel, et il est heureux qu’un leader dont la voix a un retentissement universel dénonce le fossé entre les riches et les pauvres et les inégalités scandaleuses que produit une mondialisation très financière et fort peu humaniste. Il est la voix qui crie sans se lasser que l’accueil des déplacés et des migrants est le B.A.BA de la fraternité et un devoir absolu pour les chrétiens. Il est devenu le héraut de l’inquiétude environnementale et ne cesse de nous rappeler notre responsabilité à l’égard de la Terre afin qu’elle demeure habitable pour tous.

Tout ceci étant redit, force est d’ajouter que sa sortie sur une prétendue « théorie du genre » qui serait propagée par les manuels scolaires français est très peu pardonnable. Si nous la lui pardonnons malgré tout, c’est parce que lui-même est victime d’une éducation genrée, celle d’un homme argentin âgé de bientôt 80 ans. Notons en passant que l’exemple pris par le pape et rapporté par un père de famille français est celle d’un petit garçon de dix ans qui plus tard voudrait être « une fille ». Parions que si une petite fille du même âge avait déclaré vouloir être un garçon, elle aurait suscité moins d’émotion. Car, enfin, quoi de plus normal que de vouloir appartenir au « premier » sexe. En revanche, pour vouloir être une fille, il faut forcément avoir été manipulé par le complot du genre.

Mais la question la plus ennuyeuse n’est pas celle du pape – même si nous sommes navrés par sa déclaration –, c’est la façon dont ses propos ont enflammé le débat politique en France. Quand la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, prend légitimement la défense des siens, son ministère et les enseignants, injustement montrés du doigt, ces messieurs de droite, Wauquiez, Estrosi, Sarkozy… se jettent sur l’aubaine et sur la ministre qui, en osant répondre au pape, deviendrait une « honte » pour la France. Ces mâles blancs sûrs de leur bon droit au pouvoir qui se mettent à chasser en meute pour dénier toute légitimité à une ministre de la République, femme, jeune et née au Maroc, se rendent-ils compte que leur hargne est, à elle seule, une lamentable illustration des préjugés liés au genre, augmentés d’une belle dose de racisme ?

Les enjeux électoraux justifient-ils une si vaine et si malveillante polémique ? Ceux qui abaissent ainsi le niveau du débat portent une responsabilité très lourde, de celles que l’histoire ne pardonne pas.